Résumé
Pour présenter mon ouvrage intitulé: Voler de ses propres ailes, voici ci-dessous le résumé que l'on trouve en quatrième de couverture:Roman traverse son enfance dans la tourmente. A peine sorti de l'école primaire, il se voit contraint de mettre la main à la pâte. Un long parcours l'attend parsemé d'embuches, avec des ennuis sérieux avec sa mère et sa s??ur, un duo vénal qui le harcèle. Dans la suite d'une autobiographie pleine d'anecdotes authentiques, on découvre comment il s'en sort de la fosse à charbon, du service militaire à rallonge, de l'Algérie en révolte, et de bien d'autres pépins, sans perdre l'espoir de se faire une place dans la société. Et comment il se rebiffe, en passant par divers stades critiques qui l'amènent, à vingt-sept ans, à la décision, enfin, de voler de ses propres ailes'
Ainsi qu'un extrait:8
A la fosse malgré tout
Lorsque j'ai su la mauvaise nouvelle, je ne pense pas avoir cogité sur mon sort. Je n'avais plus d'espoir de trouver une autre voie pour me défiler de la fosse à charbon.
A dire vrai, j'ai appris à faire du pain sans me soucier du lendemain, en me contentant de bosser sans trop voir plus loin que le bout de mon nez. J'étais comme on est à cet âge ingrat : sans une idée préconçue et sans aucune aspiration, hormis celle de ma mère qui en avait pour moi.
' T'iras voir à l'entrée de la fosse, le garde t'acheminera vers ton poste de travail !
La veille au soir, mon père me fit savoir que j'irai directement au triage, et non avec le géomètre comme il me l'avait promis.
A-t-il au moins cherché à me caser avec lui ?
Ce jour-là, je pense qu'il avait bluffé, en brassant du vent juste assez pour me convaincre. Et couillon que j'étais, j'ai gobé, satisfait à l'idée de côtoyer un homme de qualité.
J'ai eu droit à la musette, et au « briquet » du mineur composé de plusieurs tartines de pain au saindoux, un fruit et le bidon de café léger. De même qu'un grand sourire de ma mère qui jubilait d'aise benoitement, tout en me disant :
' Bon courage mon garçon, et sois prudent !
Je suis allé trier des gaillettes devant une toile en mouvement, tout à fait là où ma mère était avant ma naissance.
J'ai eu moi aussi la joie d'avoir les mains pleines de caca. Comme j'ai appris à manier la masse, en cassant de gros cailloux.
Je n'ai pas oublié ce brave surveillant immigré polonais, qui était un proche voisin de ma rue. Me connaissant bien, un beau matin, il s'arrangea à m'extirper du ramassage cadencé, en me mettant au bout de la chaine où il n'y avait pratiquement plus rien à faire.
Mon but consistait à superviser le bon acheminement des gaillettes qui défilaient sur la toile, et à avertir en cas d'une anomalie quelconque. A coincer la bulle, cela me permettait, aux premières heures de la matinée qui étaient difficilement gérables, de pousser un roupillon.
' Le fayot ! Il a la belle planque.
Certes, on pouvait m'envier d'avoir été choisi pour le bon job.
J'étais seul et peinard à me tourner les pouces, tandis qu'ils marnaient pas loin de moi, le dos courbé et les mains en souffrance. Par contre, j'avais l'inconvénient d'être en plein courant d'air. Notamment, à cause de ce long couloir sans aucune porte, qui était le passage prévu pour déverser à l'extérieur le minerai dans un wagon.
Embauché à la mauvaise période courant février, non pas qu'il faisait frisquet dehors, mais fallait-il encore que je subisse ce vent glacial, qui me transperçait le corps. J'étais recroquevillé en boule tel un hérisson en perdition, jusqu'à l'arrêt de la toile qui me signalait la fin de poste et le retour au chaud. A ce régime, j'ai attrapé la crève plusieurs fois, sans trop prétendre à garder la chambre. A priori, ma mère n'aimait pas que je sois malade, à moins d'être à moitié cuit par une fièvre dévorante.
J'ai toussé beaucoup. Et j'ai eu mal aux bronches, à force d'essayer de calmer la musique qui me gênait à respirer correctement.
Oui ! Malade je l'ai été à coup sûr.
A claquer des dents en face d'une activité sans passion.
Des gaillettes ! J'en ai eu vite marre de les voir.
Il m'arrivait de regretter follement le fournil. De cette douce chaleur envahissante. De cette bonne odeur de pains qui cuisaient lentement dans le four, dans un grésillement du grillon venant égayer l'atmosphère.
A choisir, j'aurais aimé continuer à faire le mitron. Les bras nus à col ouvert ou torse à l'air, au lieu de visionner ce charbon dans des fringues rapiécées, qui ne m'offraient aucune couverture contre le froid.
J'ai passé plus d'un an, à entendre le bruit assourdissant de berlines qui s'entrechoquaient au moulinage. Et de cette table à secousses qui faisait un potin infernal. Avant de descendre au fond de la mine pas très rassuré' mais heureusement pour une courte durée.
Entre la fosse et le bercail, de jour en jour, rien ne vint améliorer une situation familiale toujours critique. Comme rien ne se profilait à l'horizon.
Tantôt tranquille, tantôt agité, le menu du jour variait selon l'humeur de chacun. Avec une s??ur constamment prête à soutirer de l'argent, et des parents semant la pagaille autour d'eux. Dans un conflit sans cesse reconduit qui usait mes méninges, au point de ne plus savoir les tolérer.
Bien souvent, je claquais la porte derrière moi, et filais au-dehors me remplir les poumons, de cet air vital qui regonflait mon moral.
Cela étant, j'ai survécu aux gaillettes, en prenant mon mal en patience. Jusqu'au jour où l'on me fit savoir que je devais me présenter à la lampisterie.
Numéro de lampe : cent-six.
Le garde-lampiste me précisa en « patois » :
' « V'là t'lampe min tiot ! T'in prindras soin comme de ti même. »
Comment oublier ce numéro de matricule qui m'a longtemps suivi dans mes rêves ?
Il me rappelle toujours cette triste période passée au fond de la fosse.
J'imagine encore cette descente dans le trou. Même après avoir gouté à la sensation avec mon père quelques années en arrière. Et ce trajet, accompagné par un mineur de fond confirmé, qui avait la tâche de m'emmener dans un quartier d'une veine de charbon en exploitation.
A pieds, naturellement. Un assez long parcours m'a fait connaitre l'au-delà de ce que j'avais vu la première fois.
Je me suis rendu compte réellement que les galeries rétrécissaient au fur et à mesure que nous avancions. Un raidillon interminable me fit perdre haleine. A mi-parcours, nous fîmes halte à un emplacement, à partir duquel il me donna les directives d'un emploi, qui correspondait à celui même que j'avais laissé au jour.
Bien entendu, j'ai eu là le même rôle à jouer sous un aspect différent. Cela m'a valu d'être à nouveau seul, une lampe d'une faible portée d'éclairage fixée au casque. Vaille que vaille, elle me donnait un bref aperçu de cette toile roulante qui acheminait le minerai, depuis son extraction jusqu'au lieu de son chargement dans les wagonnets.
J'avais déjà vu avec mon père la plus belle face du fond, avec des galeries impeccables badigeonnées à la chaux. Arrivé à mon poste, ce n'était plus du tout la même chose.
J'ai découvert l'autre face du décor, qui était beaucoup moins esthétique, et semblait plus fragile. Tout en brut, pour ainsi décrire cet enchevêtrement de bois fait pour soutenir le toit, et protéger le passage.
J'ai eu l'occasion d'aller voir tous ces mineurs qui trimaient, le piqueur à la main, sinon la grosse pelle à charbon en action. Pas très accommodé au début, je n'en menais pas large à côté d'eux, dans toute cette poussière aveugle qui ne semblait guère les gêner.
Si déjà au jour j'avais du mal à garder l'??il ouvert sur la toile, ici, dans cette semi-obscurité, je n'ai pas tardé à tomber dans les bras de Morphée.
Comment résister à cette folle envie qui vous prend pour en pousser une ?
On ne peut quand même pas être rivé sur des gaillettes sans tomber à la fin dans un état second. Tout comme hypnotisé sous l'effet de les voir défiler sur la bande, ou à la façon du pendule d'un magnétiseur.
Entre le haut de la galerie d'où j'entendais faiblement le bruit des marteaux-piqueurs, et le bas la machine à remplir les berlines, je me calais entre deux longerons, en m'adossant contre la paroi rocheuse pour un petit somme.
Assoupi ou endormi, cela m'arrivait de plus en plus fréquemment. Et cela a duré le temps que l'on vienne me surprendre et dire :
' Alors min tiot ! On roupille tranquillement ?
Tout penaud, je vois encore le porion du quartier me secouer rigoureusement. Lui qui n'admettait pas de passe-droit, surtout au fond de la mine.
J'avais flanché à mon devoir, sans me rendre compte du danger qui rôdait autour de moi. Avec en premier le grisou, qui vous endort pour de bon, et l'éboulement qui vous enterre carrément.
Devant lui, j'ai cherché quelques excuses. Une mauvaise nuit passée. Des ennuis à la maison. Un peu malade ou je ne sais encore. Mais rien n'y fit quand, à la remontée, je dus me présenter à son bureau.
Un blâme au galibot négligent ?
Je ne me souviens plus très bien. Mais la sérénade, ou plutôt le savon, la première engueulade, oui ! Je vois ça.
Les mains derrière le dos, et la tête tombante, je n'étais pas fier devant lui, lorsqu'il me fit la morale en m'expliquant les règles fondamentales que l'on doit respecter au fond. Tout à l'écoute, je lorgnais mes godasses d'un air anxieux, en me demandant ce qui allait me tomber sur le crâne.
Une semblable attitude me revint à l'esprit quand, perché sur l'estrade en face du tableau noir, une craie à la main, j'attendais avec appréhension la sanction du maitre après une gourde.
J'ai tout de suite pensé à cette règle en bois qui venait douloureusement entamer le bout de mes doigts, et oh ! Que ça faisait mal !
Et là, que m'est-il arrivé ?
Une corvée de gaillettes, peut-être ?
Non ! Je plaisante.
Alors, une punition d'enfant en faute ?
J'ai imaginé le coup de pied au derrière ou les oreilles malmenées. La fessée magistrale à coups de martinet m'effleura l'esprit. Comme ma mère qui savait si bien en abuser largement. Encore à l'âge du duvet de l'adolescent en rade, je devais être à côté de mes pompes, à ne pas savoir réellement que j'étais dans la cour des grands, à commencer par gagner ma croute sérieusement.
' Eh bien oui ! J'ai dormi parce que'
Etait-ce le fait de mal dormir au lit que' ?
Mes nuits étaient souvent agitées à cause de parents continuellement en guerre. Et cela ne pouvait que correspondre à mon état général.
' Eh bien oui ! J'ai roupillé parce que'
' Vous ferez comme pénitence : « Deux je vous salue Marie et un Notre-Père. »
Non ! Je plaisante encore.
Quoique j'y ai pensé avec une pointe d'humour. A ce « repentir » après la confesse du temps du catéchisme. A cette prière sans conséquences et sans aucun témoin, qui m'amenait à genoux. A chuchoter vite fait bien fait, avant de sortir de l'église et reprendre mes errances dans la rue.
' Mais qu'est-ce que je vais faire de toi ?
Pendant un moment, il a cherché une solution adéquate, qui pourrait remédier à ma faiblesse. Non pas un remède miracle, mais une autre fonction qui m'obligerait à rester éveillé.
J'avais envie de lui parler de la place qui m'était destinée à l'embauche, et promise par mon père auprès du géomètre. Mais je n'ai fait qu'attendre à ce qu'il se décide d'en finir avec moi.
Il s'est donné un instant de réflexion, en se grattant le crâne. Puis un autre de silence total, à ne plus savoir sur quel pied danser. Pour conclure enfin à me dire qu'il allait me changer d'endroit, afin que cela ne se reproduise plus.
' Demain matin, tu iras du côté du traçage ; on a justement besoin d'un hercheur.
Je suis donc allé au fin fond d'une galerie isolée, habitée par un groupe restreint de mineurs spécialisés. Ils ??uvraient à creuser directement dans le charbon, en traçant les contours d'un panneau à exploiter.
Coïncidence ou pas, je me suis retrouvé à mi-parcours d'une descenderie, encore seul, sur un palier intermédiaire. A peu près dans une voie en pente comme précédemment, néanmoins dans un rôle un peu plus actif.
Je me suis mis à rouler des wagonnets.
C'était une opération de petite envergure, qui consistait à évacuer, à l'aide d'un treuil, le produit de plusieurs traceurs. Il correspondait à peu près à un rendement journalier d'une vingtaine de berlines de charbon.
Du haut d'un plan incliné, le machiniste se chargeait de descendre les pleines, et remonter les vides. Et moi, je m'occupais au passage à les guider à mon niveau, pour qu'elles reprennent correctement la voie jusqu'au terminus, où un troisième ouvrier les réceptionnait.
En somme, le petit volume de travail me permettait de glandouiller, avant de remonter au jour.
J'étais le relai d'un va-et-vient discontinu, qui me permettait d'avoir de longues pauses.
Je profitais de ces moments en montant là-haut pour faire causette, et même partager le casse-croute avec le man??uvrier, qui était vite devenu un copain de travail. J'ai ainsi été moins tenté à pousser un roupillon. En trouvant une présence, j'ai même imaginé quelques projets d'évasion.
' Non ! A la fosse, je n'irai jamais !
Eh bien oui, hélas ! J'y étais bel et bien, et déjà j'aspirais à la fuite par n'importe quel moyen