Résumé
Le Maroc dispose d'un arsenal normatif et institutionnel très avancé par rapport à la réalité de sa pratique politique. Certes, une bonne partie de sa législation est héritée de la période coloniale, notamment dans son volet répressif. Mais, depuis deux décennies, l'ordre juridique interne a été enrichi d'une législation parfois à l'avant garde du droit occidental. L'année 1996-97 a enregistré une production législative sans pareil dans un aussi court laps de temps. Cette production est autant variée que moderne dans sa structure et ses objectifs. Elle concerne les divers domaines d'activité économique, commerciale, bancaire, d'affaires. Parallèlement, un effort d'harmonisation est entrepris pour que l'investissement étranger puisse reprendre confiance dans la justice marocaine, surtout en matière commerciale. Cet effort concerne aussi bien la crédibilisation des procédures de règlement des conflits que la protection des activités commerciales dans le cadre d'une nouvelle approche du droit du travail ainsi que la politique salariale et d'embauche de l'entreprise. Cette politique d'harmonisation et de modernisation de la législation économique et commerciale s'insère, bien évidemment, dans ce qu'il est convenu d'appeler la mondialisation.
Mais tout cela risque de rester sans répondant si, d'un côté, les rapports de l'Etat à la société sont toujours commandés par des réflexes d'improvisation et de bégaiements politiques. D'un autre côté, si la norme n'est pas élevée au rang de rempart institutionnel incontournable dans les relations de pouvoirs et dans la vie des différents organes d'Etat, les relations sociales resteront sous-tendues par la méfiance citoyenne vis-à-vis de l'Etat et de l'autorité. Ce qui se répercutera indéniablement au niveau de la sphère politique et, du coup, éclaboussera l'activité économique globale.
La crédibilisation de l'espace politique passe donc nécessairement par la primauté de la norme sur la pratique née à l'occasion de l'exercice quotidien du pouvoir et de l'autorité. Nous l'avons souligné en première partie, le fait politique commande, au Maroc, la règle juridique. Mais, dans la mesure où celle-ci devient l'instrument de légitimation-alibi de l'exercice politique, n'est-il pas temps de laisser à la règle juridique la promptitude de prendre sa revanche sur le politique, en l'orientant dans ce qui constitue la solvabilité du système et la pérennité de ses institutions ?!
La légalité constitutionnelle est, de prime abord, le levier essentiel devant permettre à l'Etat d'asseoir son autorité dans l'espace et le temps humains engendré par la relation sociale. Cette relation est produite au contact de la norme dans et sur la sphère d'interaction communautaire dans le sens que lui confère justement la constitution, tant dans son préambule que dans tout le dispositif cognitif proposé par le texte constitutionnel mis au contact de l'exercice législatif, réglementaire et politique.
En donnant aux organes d'Etat les moyens juridiques valorisant leurs actions, en les enrôlant dans une légitimité légale dont l'objectif permanent est de lever toute réticence devant le commandement et l'autorité, la constitution crée l'espace terminologique qui identifie la légalité par rapport à l'usurpation, détermine la loi dans son offensive contre l'arbitraire, sanctionne l'abus quand il est hissé sous la forme d'un exercice anodin de pure exécution administrative.
La réforme au Maroc est ainsi interpellée en termes politiques, mais surtout dans la logique constitutionnelle.