Résumé
Il faut vouloir habiter à la Pensión Paraíso, mais surtout y être voulu. Car pour y loger il faut satisfaire au plus absolu des critères: le caprice de la patronne, doña Lola. La première réponse est toujours négative. On vous répète la même chose si, après avoir atteint le septième étage, il vous reste assez de souffle et de culot pour sonner à la porte, malgré la pancarte qui annonce NO HAY HABITACIONES. Pendant qu'une vieille dame vous scrute en silence, vous aurez le temps de remarquer la laideur et la décrépitude du papier peint, la faible lumière tombant du lustre déglingué et décoré de chiures de mouche, les bosses des ressorts dans les fauteuils dépareillés, les hoquets d'une chasse d'eau ou l'odeur de lait cramé ou de friture, mêlée à la constante senteur de fumée froide. Si ces quelques secondes vous ont amené à penser que, tous comptes faits, vous avez de la chance qu'il n'y ait pas une seule chambre de libre dans un tel palace, eh bien, dans ce cas là, le barrage a fonctionné: la Pensión Paraíso n'est pas pour vous. Mais si votre tête a hébergé un tout autre ordre de pensées, si vous avez d'autres raisons pour espérer qu'on vous accueille, ou si vous avez un certain type de gueule, d'allure, ou cette qualité ou tare mystérieuse qui vous amène à jouer un rôle dans les fantasmes autrui, eh bien, là vous avez une chance de loger chez doña Lola, avec des pensionnaires plutôt bizarres et l'ombre du généralissime Franco qui est en train d'agoniser, car nous sommes à Barcelone en octobre 1975.