Résumé
Il fulgure. Ils sont quelques-uns comme ça, qui mêlent, en de brèves intuitions, la poésie à la substance de l'éclair. L'Argentin Antonio Porchia, révélé naguère par Roger Caillois, l'Allemand Lich¬tenberg, aimé de Breton, peut-être Edward Lear, Chamfort, par¬fois - quand il délire un peu ... Et dans le monde islamique ? Eh bien, quand Djelâl-Eddine Rûmi écrit: «La rose est un jardin où se cachent des arbres» ou encore, parlant de Dieu: «il est l'oiseau de la vision et ne se pose pas sur les signes», on peut rêver à un ancêtre sapiential- sage et fou - de Abdelmajid Benjelloun. Connaît-¬on cet aphorisme arabe et qui pourrait être de lui? : « Les murs sont le cahier des fous ». Abdelmajid écrit sur tous les murs.
« Très vite, en quelque mots, il va à l'essentiel. Simplement, grâce à lui, l'on sait que l'essentiel n'est pas nécessairement là où d'habi¬tude on le situe. L'essentiel est ce qui dénude l'habitude, et tout dès lors n'est plus que nudité, et vulnérable. Je veux dire que Ben¬jelloun écrit à coup de cicatrices. Ses quelques mots, ses «phra¬ses» comme rimbaldiennes, résument une expérience et voici, dirait-on, que cette expérience accumulée, il la joue sur un coup de dés. Mystère de la parole: par la vertu des poètes, elle dit tou¬jours un peu plus et un peu moins qu'elle ne semblait devoir dire. Dans ce trop-plein, dans ces creux (comme on parle du «creux» de la vague), dans ses pleins, dis-je, et ses déliés va l'écriture de poésie, en ses orages et en ses éclaircies, toujours noire, toujours limpide. «Murmure vivrier» dit joliment le titre. Et j'ose affirmer de la vie, qu'au-delà de l'orage et de tout cela qui le précède et qui le suit, elle est, la vie, la poésie, imperturbablement mais non insen¬siblement, cet inapaisé murmure ».
Salah Stétié.