[SUJET CLOS] Pour un style drastique

 Café Littéraire   Débuté par Cripure   2012-02-09 00:00:00 +01:00   Messages 40    Vues: 2877

  1. Cripure
    Cripure Membre Epinay-sous-Sénart
    Pourquoi le style littéraire devrait-il toujours être recherché, brillant et enlevé ?
    Comme la peinture ou l'architecture, pourquoi n'aurions-nous pas le droit de revenir à des styles dépouillés, primaires, drastiques, presque télégraphiques ?
    Dans le but de redonner à nos histoires, nos anecdotes, à notre narration, toute leur force démonstratrice ?
    D'ailleurs, n'est-ce pas là le mécanisme mis en oeuvre par la Bible ?
    Le livre le plus vendu au monde...
    Cripure, 2012-02-09 15:06:03 +01:00
  2. novi
    novi Membre
    Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, Cripure, quand l'immense majorité des succès romanesques d'aujourd'hui ont ce point commun de l'utilisation de ce qu'ils appellent ( les critiques) la bouche béate : la phrase courte et sèche, c'est à dire l'utilisation intensive du sujet-verbe-COD, avec souvent pour effet de mode, le mot unique pour phrase ( ça fait très tendance pour les éditeurs ; voir Chainas, par exemple).

    Sans entrer dans le discours des Asencio and Co sur le déclin littéraire français, et qui voudrait que depuis Céline, n'est-ce pas ( un par siècle, comme il disait ), les stylistes ne font plus recette depuis belle lurette.

    Non, je ne saisis décidément pas le sens votre allusion ;-)))
    novi, 2012-02-09 15:27:30 +01:00
  3. Cripure
    Cripure Membre Epinay-sous-Sénart
    Je reconnais que vous avez sans doute raison, Novi.
    Et c'est peut-être ce qui explique le succès de la littérature anglo-saxonne aujourd'hui.
    D'ailleurs, souvent le peu de style qu'un romancier anglo-saxon met en oeuvre est gommé par la traduction en français.
    Mais en quoi est-ce mal ?
    N'est-ce pas finalement le meilleur moyen de raconter une histoire, de la rendre accessible à tous ?
    Je trouve les récriminations des auteurs indépendants contre les styles dépouillés bien peu démocratiques. Il y a dans ces récriminations une volonté élitiste que je réprouve.
    Cripure, 2012-02-09 15:38:32 +01:00
  4. novi
    novi Membre
    Les auteurs indépendants ne comptent pas dans ce débat dans la mesure où ils subissent un déni de la part du lectorat de masse ( d'où l
    novi, 2012-02-09 16:12:09 +01:00
  5. Cripure
    Cripure Membre Epinay-sous-Sénart
    Où situer la limite entre artistes et artisans ?
    Les romanciers, auteurs de best-sellers, ne sont-ils pas devenus de simples artisans, comme peuvent l'être certains portraitistes en peinture ?
    Ce afin de pouvoir vivre de leur art.
    Finalement, les plus chanceux ne sont-ils pas ceux qui peuvent pratiquer leur art sans en être dépendants ? Eux seuls peuvent profiter d'une véritable liberté artistique, peuvent se moquer des critiques.
    Cripure, 2012-02-09 16:31:08 +01:00
  6. novi
    novi Membre
    Bah, tout dépend...

    Gérard de Villiers est le plus mauvais des auteurs ; il ne sait pas écrire et le sait, n'hésitant pas à l'avouer, revendiquant ainsi quelque part ce que vous vouliez sans doute évoquer, car ses livres sont néanmoins intéressants de par le fond proposé ( sauf le dernier sur le Mexique où il s'est vautré dans du cliché à deux balles et de l'affabulation dont ils n
    novi, 2012-02-09 16:52:49 +01:00
  7. Yann Julien
    Yann Julien Membre Lyon
    Merci pour ces échanges intéressants !

    Pour le style littéraire, je sors tout juste de la 'trilogie' des Trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas, dont je trouve le style très facile à lire, et pourtant riche en description, rebondissements, paysages, personnages... en se calquant sur la réalité historique (ce que certains n'apprécient pas) ; là je repose mon cerveau en lisant un Monsieur-qui-porte-presque-le-même-nom-qu'une-marque-de-jeans et qui est dans le top des ventes...comment dire, c'est vide. Il n'y a rien le néant.

    Après, si à l'instar de certains blockbusters dans le cinéma, ses ventes permettent de financer d'autres livres plus audacieux et moins vendeurs (je suis peut-être naïf), des auteurs plus marginaux, pourquoi pas.
    Yann Julien, 2012-02-09 18:55:00 +01:00
  8. novi
    novi Membre
    Bah, vous pouviez le citer puisqu'il s'agit plus d'une marque que d'un écrivain dans le sens noble du terme ;-)))

    D'ailleurs, pour en rire de bon coeur :

    «C
    novi, 2012-02-09 20:57:31 +01:00
  9. Annie
    Annie Membre
    Mille fois merci Novi, de nous avoir fait connaître ce bréviaire, j'espère que l'auteur de cet article ne vous en voudra pas. J'ai cru reconnaître, en effet, les trames de romans H...n, dont chacun sait qu'ils sont soumis à un cahier des charges draconien. On a même parlé d'un logiciel d'aide à l'écriture dédié aux auteurs de cette maison d'édition. Il faut croire qu'il y avait une niche libre entre H...n et Marguerite Duras, où Marc Lévy a su s'engouffrer, avec patience et obstination. Sachez-le, Marc Lévy s'astreint aussi à de longues séances de dédicaces - il est passé dans ma ville, il repassera par la vôtre. Auteur édité, c'est aussi cela. Il est toujours aussi zen et souriant, paraît-il. L'ours ne fait plus recette aujourd'hui, l'auteur et son 'produit' sont calibrés. Il faut que madame Michu continue de fantasmer sur Marc Lévy.
    En tous cas, j'ai bien ri avec cet article, si vrai...
    Annie, 2012-02-10 06:45:27 +01:00
  10. Yann Julien
    Yann Julien Membre Lyon
    Oui Novi, merci beaucoup pour cet article complet (et rien que pour l'expression sur la 'métaphore immobilière joliment filée'...).

    Il rappelle également un sketch où la personne avait inventé un logiciel qui générait des scénarios de Luc Besson, selon un choix restreint de critères qui se croisaient pour former une histoire plus ou moins similaire (beaucoup 'plus' que 'moins' évidemment).

    Yann Julien, 2012-02-10 07:05:16 +01:00
  11. Cripure
    Cripure Membre Epinay-sous-Sénart
    Merci Novi !
    Je n'ai jamais lu Marc Levy et, grâce à vous, j'ai remarqué que mon style était assez proche du sien.
    Alors pourquoi n'ai-je pas la même succès ?
    Peut-être sont-ce les valeurs véhiculées par mon oeuvre...
    Et puis, dans mon roman, les scène de sexe se rapprochent plus de celles de Gérard de Villiers que de celles de Marc Lévy...
    Cripure, 2012-02-10 09:56:27 +01:00
  12. novi
    novi Membre
    «Alors pourquoi n'ai-je pas la même succès ?
    Peut-être sont-ce les valeurs véhiculées par mon oeuvre...» (Cripure).

    Vous avez, il me semble, la réponse dans la question.
    Vous voulez être lu ou reconnu, parce que c'est très différent ;-)))

    Vous voyez, Levy et tous ses collègues industriels du roman, sont beaucoup lus mais pas reconnus, et le plus cruel si l'on considère leurs interviews où leur crédo est bien connu quant à se retrancher derrière une approbation du grand public opposée à un dédain des intellectuels et des littéraires. C'est là précisément que le bat blesse quand un Villiers sait lui, où est sa place, et ne prétend à rien d'autre.
    Et ce n'est pas seulement question de style, mais surtout de fond ( à quoi sert une littérature , à distraire ou à instruire ; à faire rêver ou à interroger). Même le plus mauvais, le plus débile des thrillers peut s
    novi, 2012-02-11 17:26:21 +01:00
  13. missette
    missette Membre
    'Et ce n'est pas seulement question de style, mais surtout de fond ( à quoi sert une littérature , à distraire ou à instruire ; à faire rêver ou à interroger). Même le plus mauvais, le plus débile des thrillers peut s
    missette, 2012-02-12 10:27:10 +01:00
  14. novi
    novi Membre
    ET bien oui, Missette, il en faut de ces lecteurs encore assez curieux pour sortir des sentiers battus, et c'est tout l
    novi, 2012-02-12 12:25:30 +01:00
  15. Yann Julien
    Yann Julien Membre Lyon
    Pour appuyer vos propos, Novi et l'aspect 'marque' que vous (d)énonciez #8 a bien oeuvré :

    Pour preuve, à la lecture des commentaires sur 'L'étrange voyage de M...', la plupart des lecteurs sont déçus, trouvant que leur auteur favori (je parle de ceux qui se revendiquent afficionados) a perdu l'originalité et le style qu'ils appréciaient avant...cependant, une majorité de commentaires négatifs porte la note de 3 à 4 étoiles sur 5 (certains notent même 5, tout en étant mécontent !).

    Après si ce type d'ouvrages permet une porte d'entrée pour explorer de la littérature plus classique ou atypique, pourquoi pas (certains lecteurs dénigreront peut-être leur ancien auteur).
    Votre post précédent prouve que le travail est encore long...(ou alors cela ne fonctionnera que sur un infime minorité).

    Concernant la place que l'on doit avoir et la non prétention de son écriture, je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Yann Julien, 2012-02-12 14:59:07 +01:00
  16. Cripure
    Cripure Membre Epinay-sous-Sénart
    Bonjour Novi,
    Vous avez raison quand vous parlez des blessures de ceux qui vendent beaucoup sans avoir de talent. Ils doivent avoir l'impression de servir toujours la même soupe insipide.
    Plus je réfléchis sur mon roman, plus j'en suis fier, plus je le trouve brillant ! Personne ne veut le lire et ceux qui le lisent en restent perplexes. Mais je m'en moque, je l'aime trop comme il est, comme un enfant diforme dont je serais le seul à connaître les qualités exceptionnelles. Je n'en changerai rien. J'ai accepté quelques concessions pour en corriger la syntaxe, mais ce sera tout.
    Alors que je ne trouve aucun intérêt aux dizaines de docs techniques qui ont fait ma réussite (toute relative !) dans le milieu où je travaille, et qui nous permettent de vivre aujourd'hui, moi et ma famille.
    Cripure, 2012-02-13 10:28:39 +01:00
  17. Orcus
    Orcus Membre Val d Oise
    A ce moment-là de la discussion, quelqu
    Orcus, 2012-02-13 12:49:57 +01:00
  18. Isabelle
    Isabelle Membre Ile de France
    Bonjour à tous !
    Personnellement, et pour recentrer le débat initié par Cripure sur le style, on me demanderait d'évaluer le style d'un auteur que je serais incapable d'en dire quoi que ce soit.
    Et me concernant, en toute sincérité, un commentaire que j'ai eu sur mon style (dans mon premier roman) qui résume ce que tous mes lecteurs m'en ont dit :
    'Ton style est simple, facile à lire, pas de phrases de merde qu'il faut relire vingt fois avant d'en comprendre le sens'. Et ce commentaire m'a fait grand plaisir.
    Quand je lis un roman pour mon plaisir, ce n'est pas pour attraper la migraine. Maintenant, on peut faire simple et facile à lire sans tomber dans le fade.
    Pour preuve, j'ai lu deux romans d'Edmonde et d'Armelle Carbonel, et le roman de Véronique Audelon, et j'ai trouvé leurs styles facile à lire, et malgré tout, la qualité était au rendez-vous.
    Donc, pour résumer, je ne sais pas ce qu'on qualifie au juste de 'littérature', mais il ne faut pas confondre livre facile à lire avec pauvreté du récit et du style : on peut employer un style très alambiqué et avoir une intrigue qui tourne en rond.
    Bonne soirée à tous !
    Isabelle, 2012-02-23 20:24:05 +01:00
  19. Yann Julien
    Yann Julien Membre Lyon
    Bonsoir Isabelle,

    Je partage tout à fait votre point de vue; du côté du style d'écriture, j'essaie également d'écrire simple, épuré en me mettant à la place du lecteur.

    Je citais plus haut Alexandre Dumas et c'est dingue comme son style est limpide, facile et pourtant si riche dans l'intrigue et les description.

    Après avons-nous été traumatisés par quelques profs de français qui dénigrent la lecture accessible et qui crient au génie lorsque la phrase est incompréhensible ?
    (avec l'âge, peut-être que je comprendrais ces phrases à présent...)

    Bonne soirée tout le monde !
    Yann Julien, 2012-02-23 21:54:48 +01:00
  20. novi
    novi Membre
    Il y a mille façon d'aborder la syntaxe, de Céline à Breton, en passant par Flaubert ; mais le style : c'est la patte, la plume, le coup de poignet, et sans lui, comme pour l'instrumentiste : pas de rythme, point de musicalité.

    On peut torturer la syntaxe, la broyer, et rester néanmoins facile à lire : lisez Tanguy Viel, et dites m'en des nouvelles ensuite ;-)))

    ET à propos de Bastiani : «On comprend l'intérêt que Breton porte à Une Morte Saison. Il y a comme du surréalisme dans l'air, du néo-réalisme, du spleen baudelairien, des fêtes foraines, de l'amertume.
    Alfred Eibel ( à propos de Ange Bastiani).»

    Une des plus belle définition de ce que doit dire un style, selon moi.
    novi, 2012-02-24 00:12:02 +01:00
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