Les foules ont ceci de particulier qu'elles ne représentent personne, ne portent pas d'étendard, n'ont pas de coloration, ni de cause à défendre. Elles ne sont que le cumul arithmétique, la somme des individus qui la composent, la rejoignent, l'enflent, au gré du hasard, sans mot d'ordre, sans plan, sans but ni structure, semblable à la cohue disparate et anonyme qui envahit le tunnels du métro aux heures de pointe, s'agglutinant à l'approche d'une rame. Entités bien réelles mais mouvantes et fluctuantes, impalpables, elles évoluent, se font et se défont à la manière du sable qui file entre les doigts. Les foules ne font rien, elles sont. Mais elles peuvent devenir un gisement, un vivier, un creuset duquel peut naître, sourdre et s'élever à tout moment un mouvement de renouveau, comme un jaillissement émergeant soudain et scellant de manière définitive le pacte des foules. Alors, lorsque la société est parvenue à son terme, le nez planté dans le mur, les foules prennent spontanément la relève des peuples, pour inventer un autre monde.