Olivier avait aménagé sa chambre dans le bâtiment en face, au-dessus de l'écurie, qui servait autrefois, avant la guerre, aux chevaux, et occupé maintenant par les deux chèvres de Louise. La pièce n'était pas trop grande, heureusement, car il n'y avait rien pour la chauffer. Mais c'était du provisoire, bientôt il serait vraiment chez lui, il retrouverait la chaleur d'un foyer, il sentirait la bonne odeur du bois qui flambe et les pincements de la flamme qui font couler le sang sur la peau, il rêverait ainsi près de l'âtre, pendant que le feu brûlerait sa fatigue. En attendant, Olivier se glissait vite dans ce lit, les mains entre les cuisses, sans bouger, de sorte que la chaleur de son corps restait prisonnière et l'enveloppait pour la nuit. Cette paillasse était assez confortable, elle était l'héritage de ses parents. Ils ne lui avaient pas laissé grand-chose, les malheureux étaient tellement démunis, vermoulus bouffés de l'intérieur comme les deux chaises en paille et la table, qu'à la fin de leur vie leur foyer était aussi vide que leurs corps exsangues. Son père, ouvrier agricole, sa mère, malade, l'un ayant passé son existence à soigner les vignes et sa femme et l'autre son temps à se traîner de sa chaise à son lit. Ceux qui les ont connus se demandent toujours comment ils avaient pu faire pour réussir leur fils. Olivier avait une pensée chaque fois avant de s'endormir, pour sa mère grabataire et son père, le compagnon fidèle qui grimpait, tous les soirs, dans ce nid conjugal, épuisé, vieilli par l'usure, pour attendre un sommeil qui ne venait que rarement, tant il était inquiet et à l'écoute des plaintes de son épouse. D'eux, il n'avait qu'une image de vieillards, et il ne pouvait imaginer qu'il en fût le produit. Sa mère avait dû gémir pour lui donner la vie, tout en perdant la sienne; sorti avec peine des entrailles d'une morte, il n'a pu faire autrement que de grandir à l'ombre de la mort. Et c'est à croire que la mort est le meilleur des terreaux, à voir de la façon dont a poussé Olivier. Les Astre n'en croyaient pas leurs yeux, sans doute ont-ils continué à vivre pour regarder la vie, comme on regarde pousser un jeune arbre. Puis ils s'en sont allés, laissant là le jeune arbre au milieu de la forêt. Olivier, lui, dormait bien, juste compensation, il avait la chance que n'avait pas eue ses parents, il était revenu de cette abominable guerre, il aurait bientôt un toit, peut-être une épouse et sans doute des enfants. Il reprendrait son métier de pêcheur, à son compte s'il le pouvait. Pour l'instant il travaillait pour la veuve de son patron. Elle était venue le voir, un jour, et lui avait proposé d'utiliser la barque et le matériel de son mari, pour un salaire représentant le tiers du produit de la pêche. Il avait
Quelle joie de retrouver Olivier dans cet extrait , sans oublier les autres personnages qui ne peuvent que nous émouvoir par leur véracité, leur authenticité !
' Entre la Lampe et l'Aube' est un livre à part ... qu'il faut avoir lu car combien il éclaire notre aube avec sa lampe du passé !
Bonne journée Raoul , très amicalement et admirativement votre !
C'est un plaisir de vous suivre ... comme votre ombre (sourire ) de vous lire ... même dans vos commentaires qui sont toujours écrits avec une plume hors du commun.
Bisou sur la joue des marais ! Admirativement votre M.