Résumé
« De la Terre au Ciel » est un recueil de trois nouvelles :
«Le mystère du plateau d'argent»
«Le monde d'Opale»
et «Huit ans en juin»
«Le mystère du plateau d'argent» :
En 1556, le fameux plateau d'argent que doit présenter Nostradamus à la reine Catherine de Médicis a disparu. De prophéties en faits réels une enquête poursuite est menée durant douze jours afin de le retrouver.
«Le monde d'Opale» :
Entre rêverie et irréel, un monde atemporel habité par les Opales, des humains dont le visage a les traits de leur âme...
«Huit ans en juin» :
Un drame familial dans un coin de campagne reculé...
Comment la vie passe de la Terre au Ciel...
EXTRAIT "Le mystère du plateau d'argent"
Deux petits coups secs donnés à la porte l'arrachèrent à ses interrogations matinales. On insista encore. Trois coups fermes cette fois, qui laissaient supposer que son visiteur s'impatientait. Il alla ouvrir en se demandant quel était cet olibrius qui osait le déranger à cette heure aurorale. Et, précisément, c'est son voisin le médecin qui entra comme un agité, mais un agité peu ordinaire, un agité qui paraissait blême comme la mort.
' Que se passe-t-il, cher voisin ?
La voix de Nostradamus fusa, tranchante comme un espadon :
' Le plateau d'argent a disparu !
Cette nouvelle n'eut pas pour effet de surprendre monsieur de Fondel, convaincu qu'il était d'être l'auteur du vol puisqu'il s'était délibérément introduit la veille dans la chambre du médecin astrologue. Cependant, il affecta à merveille une sincère surprise mêlée de désolement attristé. Il alla même jusqu'à interroger l'astrologue sur ce plateau d'argent et sa valeur réelle, et en quoi cette disparition pouvait l'affecter autant. Après tout, ce n'était qu'un plateau. D'argent certes, mais un simple plateau. Rien de plus, et facilement remplaçable qui plus est. Il suffisait de faire appel à un très bon orfèvre.
' Vous n'y êtes pas du tout, Monsieur de Fondel. Vous connaissez parfaitement la valeur de cet objet.
' Ah ? et par quel hasard curieux en connaîtrais-je la valeur ? fit ce dernier faussement intrigué.
' Un hasard qui n'est pas curieux du tout, un hasard qui n'est pas très habile non plus, Monsieur de Nozac.
A l'annonce de son véritable patronyme, le gentilhomme se figea d'effroi et cessa sur-le-champ ses finauderies. Quant au médecin, il exposa séance tenante la dialectique du jour :
' Je n'ai pas de temps à perdre, Monsieur. Je dois impérativement retrouver mon plateau d'argent. Sa Majesté souhaite me rencontrer incessamment, afin que je lui dévoile le destin royal de ses fils. Sans ce plateau, je suis un homme perdu, je ne suis rien, je n'existe plus' Voici pourquoi le plateau d'argent doit de toute urgence revenir en ma possession, il est le garant de ma crédibilité, de mon érudition. Je sais qui vous êtes, Monsieur de Nozac. Hier soir, vous vous êtes introduit dans ma chambre pour me dérober le plateau d'argent. Mais vous vous êtes montré un peu lourdaud sur cette affaire et je vous ai assommé comme il se doit. Après quoi, grâce au plateau d'argent, je me suis permis, veuillez m'en excuser, mais l'occasion était trop belle, je me suis donc permis de vous percer au grand jour. Je sais tout de vous. Et sachez aussi que vous n'êtes en rien responsable de cette disparition, puisque vous dormiez comme un bienheureux dans votre lit et que moi-même je n'ai pas fermé l'??il de la nuit.
A ces mots, le gentilhomme sursauta :
' Je ne comprends pas. Où se trouvait alors le plateau ?
Le médecin indiqua que le plateau d'argent était resté près de lui, sur le lit, qu'il l'avait rangé comme d'habitude dans sa cassette.
' Je n'ai pas quitté ma chambre, ajouta-t-il après un silence. Pas plus que je n'ai fermé l'??il de la nuit comme je vous l'ai dit, et malgré cela, le plateau a disparu.
' Ce n'est pas possible.
' Je ne vous le fais pas dire, argua le médecin. Et pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, et Dieu sait si je pèse mes mots, cette disparition tragique est un véritable mystère.
EXTRAIT "Le monde d'Opale"
Les étranges créatures qui vivaient dans ce monde évanescent ressemblaient aux hommes d'aujourd'hui à la différence près que leur âme était dessinée sur les traits de leur visage, comme si la peau qui recouvrait leur portrait avait revêtu une transparence cristalline. On les appelait les Opales et ils vivaient en des temps très reculés, dans un royaume sacré, lumineux et infini, dirigé par Boréalis, une divinité aux pouvoirs magiques représentée par un totem. Boréalis était le garant de la survie du monde d'Opale, car il détenait le pouvoir de capter la lumière du soleil pour la diffuser sur l'ensemble de son royaume. Que Boréalis vienne à perdre son pouvoir, et alors le jour disparaîtrait totalement du monde d'Opale laissant la place à une nuit froide et meurtrière.
Les Opales respiraient non pas grâce à l'oxygène, mais grâce à la lumière. C'est pourquoi l'obscurité était leur pire ennemi. La lumière du soleil leur apportait la vie ; et la vie nourrissait leur âme. Gardez bien à l'esprit que l'âme des Opales était un élément physique de leur constitution, qui se voyait sur leur visage au même titre que la couleur des yeux sur le visage des humains d'aujourd'hui. Ainsi, quelles qu'en soient les raisons, les individus dont l'âme finissait par s'altérer pour ne plus devenir qu'une âme noire et sombre, perdaient irrémédiablement les faveurs de la lumière céleste et s'en allaient mourir dans l'oubli au prix de longues souffrances.
Malgré son pouvoir divin de préserver la lumière dans la constellation d'Opale, Boréalis n'en était pas moins une divinité fragile et vulnérable. Comme toute divinité, elle se nourrissait des dons en sacrifice de ses sujets. Le don suprême des Opales consistait à offrir en sacrifice la plus belle âme du royaume. Et celle-ci se lisant sur le visage de chaque individu, nul ne pouvait se soustraire au choix divin de Boréalis. Puis, une fois l'âme du donateur sacrifiée, inéluctablement l'individu mourrait, car il n'avait plus d'âme.
EXTRAIT "Huit ans en juin"
J'avais huit ans en juin 1983 lorsque l'événement qui s'est produit dans la campagne où je vivais a secoué tout le voisinage.
Durant de longues années, j'ai gardé en moi le souvenir de cette journée comme quelque chose d'inexplicable, d'incompréhensible, un souvenir presque irréel et pénible, voire amer et inachevé.
Puis, une nuit, vers l'âge de dix-sept ans, j'ai fait un rêve. Neuf ans après le drame, j'ai rêvé de lui, de ce voisin, de cet ami qui nous avait tous bouleversés en décidant de partir si prématurément. D'une voix authentique et si parfaitement réelle que je ne peux l'oublier, Julien Darcel m'a dévoilé un secret. Un secret si pesant, qu'au lever du jour, je fus tenté un instant de mettre en doute sa véracité. Et pourtant, tout concordait, comme un puzzle qui s'agençait à la perfection.
Qu'était-il arrivé à Julien Darcel en juin 1983 ? Cela s'est passé un dimanche. Le premier dimanche de ce beau mois de juin.