Résumé
Cette relation de voyage sur le Val de Loire qui fait suite à d'autres, propose quelques mirages capturés, ici et là, avec un état d'esprit partagé entre la nostalgie, l'égarement et plus encore l'émerveillement. Certes, les paysages de Loire n'égalent pas le pittoresque de certaines régions au relief tourmenté. Il y a des paysages qui paraissent d'abord insignifiants, auxquels on chercherait en vain une beauté, qu'on pût définir et qu'on aime cependant. Peut-être, parce qu'ils ne s'imposent pas d'office à nous par des aspects grandioses, et qu'ils nous laissent par cela même toute liberté d'esprit, pénètrent-ils plus insidieusement dans notre âme que d'autres, jugés plus charmants. Mais n'est-ce pas simplement, qu'ils s'harmonisent à un moment précis à une plénitude qu'on ressent indépendamment d'eux, mais dont ils sont cependant détenteurs, si bien qu'il nous suffit de les voir pour reconnaître notre bonheur dans le leur. A chacun de nous ses associations, ses références et ses fantasmes. Parfois, telle cité me suggérait une île, la suivante une contrée irréelle hors du temps, une troisième une gravière sablée d'un vin blanc pétillant, une autre encore, des états d'âme évoquant une symphonie de Schubert. L'essentiel était de faire siennes chacune d'elles, et de ne pas rester en surface avec ces fascicules dressant l'état culturel des lieux. Ces brochures au papier glacé, m'apparaissaient sérieusement dommageables pour le visiteur qui reviendrait de son voyage avec des histoires et des images plein la tête, dont bon nombre seraient effacées de sa mémoire, quelques semaines plus tard. Je n'aimais guère cette sorte de respect accompagné de flagornerie, suscité par le mot « culture » employé à tout propos, et l'orthodoxie des gardiens du temple m'avait toujours prêté à sourire. Aussi, ai-je déroulé l'écheveau en donnant au lecteur la possibilité de passer à travers les mailles d'un récit de voyage, en lui laissant l'occasion de le vivre à sa façon, lorsqu'il se rendra plus tard sur les lieux. Tout voyage n'est-il pas un prodige, une prestidigitation, un délire, une ivresse, une métamorphose de soi-même et du regard porté sur les êtres et les choses ? On trouve de surcroît chez Mallarmé, un bel exemple de la dépersonnalisation qui s'assimile à une transmutation du regard qui fait dire à un mystique : « Lorsque tu as atteint à la vision de la vision, chaque atome de la création est un oeil de Dieu. » A tous les lecteurs et lectrices je dédie ce livre, en leur annonçant des heures pleines d'allégresse, et c'est bien cela l'essentiel !.