ALEXANDRE FUZEAU

ALEXANDRE FUZEAU

« Longtemps, le Dr Alexandre Fuzeau a parcouru le monde pour assouvir son goût insatiable de l’aventure. En 1993, jeune interne, il effectue un tour du monde en stop ; Paris, la Sibérie, le Kazakhstan, la Chine, puis le Canada, les États-Unis, le tout, à l’époque sans GPS ni téléphone portable, un record qu’homologua le livre Guiness des records. En 1994, le voici en VAB (véhicule de l’avant blindé) médicalisé, médecin aspirant volontaire en Bosnie, effectuant des missions en zone de guerre en gilet pare-balles, coiffé d’un casque lourd, sous les tirs des snipers.
Les aventures d’un médecin-globe-trotteur.
En 1995, il effectue une nouvelle première, la traversée de l’Atlantique en bateau-stop. Cap ensuite vers la Russie où, pendant trois ans, il intervient, notamment en Sibérie, pour SOS international. Il en ramènera son sujet de thèse, soutenue en 1997 : aspects psycho-sociaux du sida en ex-URSS, racontant une histoire épidémique encore inédite, du déni à la prévention. Suivent quinze ans de pratique médicale en Grande Bretagne, il est urgentiste dans une structure de type SOS médecins, tout en poursuivant son feuilleton d’aventurier-globe-trotteur : il embarque dans des hélicos de la Royal Navy et se fait hélitreuiller sous des hélicos de sa majesté, il s’enrôle pour Chypre, Gibraltar, autres scènes de guerre. Il remporte des ultra-trails et autres défis « iron man », participe à des ultra marathons (82 km en 11 heures) et même des marathons historiques, à Hastings où il court dans une réplique exacte de l’armure d’un guerrier normand, cottes de maille, casque de fer, bouclier, et bandes molletières. Sans oublier une dose d’humanitaire : il collabore au projet de réhab psychologique de l’UNESCO auprès des populations voisines de Tchernobyl.
Entre temps marié, père de quatre enfants, il décide en 2015 de rentrer en France et s’installe en Normandie, la terre de ses ancêtres Vikings. Il effectue des vacations à SOS Médecins Rouen. Mais il ne se range pas pour autant. Le médecin baroudeur va faire en effet une découverte, sur sa propre personne : son exceptionnelle endurance au froid : « J’ai une faculté de sur-métaboliser, observe-t-il, mon corps produit plus d’énergie à un moment donné pour combattre le froid en augmentant sa réponse adrénergique ». Dès lors, le froid, de même que l’hiver dans la chanson de Gilles Vigneault, va être le pays de ses nouvelles aventures. Il devient « le Docteur Ice », ainsi que l’ont baptisé les afficionados de la nage en eau glacée. S’entraînant avec le Club Viking de Rouen, il s’entraîne l’hiver trois fois par semaine dans les eaux de la Seine, à 5°, seulement vêtu d’un maillot et coiffé d’un bonnet. Sportif mais pas hyper-musclé, pas « enrobé » par une protection graisseuse, le Dr Fuzeau améliore très vite ses performances en doublant sa « fonction antigel » d’un travail de concentration.
« Une eau qui brûle comme le feu ».
Le Docteur Ice s’inscrit aux compétitions organisées sous l’égide de l’IWSA (International Winter Swimming association), qui fédère 1 200 nageurs issus de 42 pays. Les eaux de leurs ébats sont littéralement glacées, taillées dans la glace, flirtant avec le zéro. En France, le Dr Fuzeau est triple recordman du 1 000 mètres en eau glacée, détenteur de neuf records en nage libre et papillon. Il va s’entraîner à 300 km du cercle polaire, en Sibérie, nageant dans une piscine creusée sur un lac naturel gelé, « dans une eau qui brûle comme le feu », raconte-t-il. La compétition l’amène à Mourmansk (Russie), à Tioumen, en Sibérie. Il concourt au 450 mètres, classé quatrième et au défi extrême du 1 000 mètres, où il arrive 7e parmi 50 athlètes sélectionnés de 15 pays.
Cet hiver le voit multiplier les podiums en Allemagne, en Scandinavie et même en Chine. L’eau glacée ne connaît pas les frontières. Une médaille de bronze à la coupe du monde de nage hivernale (winter swimming world cup) vient couronner cette saison glaçante. La réputation du Dr Ice lui vaut les honneurs de TF1 (le magazine 7 à 8), qui vient le filmer alors qu’il nage un 200 mètres dos en 4’23’’, établissant une performance jamais réalisée. Quand il sort de l’eau, les amateurs le réchauffent d’une ola de plusieurs minutes. Médaillé et médiatisé, le généraliste garde la tête froide, distancié de sa jeune gloire glaçante, signant ses SMS « Alex le givré ». Alphonse Allais estimait que « le phénomène généralement désigné sous le nom de froid provient neuf fois sur dix de la température ». Le Dr Fuzeau montre que la dixième fois, il relève bien du mental ».

Christian Delahaye « Le Quotidien du Médecin » du 8/7/2017

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