Longtemps j'ai voulu changer le monde.
Je suis né en 1952 à Guéret, quelques millions d'années après la chute d'un double météore en ce lieu qui bouleversa la face du monde et peut- être la mienne.
Peu de temps après ma mère devint tuberculeuse, on nous sépara par mesure d'hygiène, comme s'il était plus important de vivre loin d'elle que de mourir dans ses bras.
Comment guérir ma mère ? Je restai coupable d'être né.
Je devins médecin pour me faire pardonner d'exister et pour enfin supprimer à jamais toute maladie et toute séparation.
Mes parents étaient sourds, puis ils se tuèrent en voiture une nuit d'enfance.
Je finis par trouver, bien plus tard, qu'ils exagéraient.
Sans l'avoir voulu, ils façonnèrent ma vie par l'absence. Alors j'écris pour me faire entendre.
Puis je devins voyageur pour échapper à la mort ou ne plus être celui qui reste.
Je m'engageai dans des associations puis cherchai à travers les spiritualités, les traditions, les médecines, à trouver un sens à tout cela. Mode d'emploi pour sauver le monde. Quête d'humanité plutôt que de vérités.
Trois enfants et plein d'amours après, je cours toujours, chercheur de vie, cueilleur de rêves.
Dans un monde Facebook, twitter, plein de mouvement, de vitesse, de flux tendus, d'instantanéité, besoin de poser des mots, pas à pas sur les chemins, mots dans l'espace, mémoires éphémères de son passage. Au-delà du dérisoire, désir de durer, noter la moindre découverte, le moindre émerveillement, partager un instant de lumière, une transparence, un paysage, un visage, un sourire.
Ecrire, photographier pour révéler ce qui ne se voit qu'en se posant.
Venu au monde sans savoir, sans comprendre, reste le besoin de transmettre aux suivants, comme points de repères, quelques impressions, quelques expériences, quelques réflexions, des espaces de transparence, de la poésie, des intuitions, toute une entreprise de glanage de détails essentiels pour passer de la survivance à la vie.